Phil, l'escapade africaine

São Tomé - le charme des tables

27/05/2015

Elle me reçoit avec son regard bleu perçant, son sourire pincé. A la Pastelaria Central, le menu du jour c'est peixe ou frango (poisson ou poulet). Assis à la table derrière la sienne, je n'ai rien d'autre à faire que de l'observer. Le tissu crème soyeux chicos de son dos-nu baillant semble caresser sa peau bronzée ponctuée de timides points de beauté. Perles blanches discrètes en boucles d'oreilles, cheveux fins teintés blond attachés, sa nuque fine laisse par intermittence apparaître un tatouage revendicatif dont la courbe sirupeuse annule toute revendication: "My way". Nous sommes en pleine errance entre Franck Sinatra et Sid Vicious. La table se remplit peu à peu d'expats portugais aux visages parfois burinés, sourires généreux, dents épaisses gravées à la nicotine. Les serveuses saotoméennes effacées s'expriment à demi-mots, presque par gestes. Il me faudra 2 jours pour enfin trouver une gargote comme je les aime. Au fond d'une cour quasi sans indications trônent quelques tables aux nappes plastiques un peu usées. Je passe la tête dans la cuisine remplie de brasero où les 2 cuisinières locales me reçoivent avec toute leur chaleur naturelle. "Peixe grellado ú cuzido?" me demande la Donna, toute maigrelette, la soixantaine bien faite, lunettes à la cubaine, sourire doux façon grand-mère. Et quelques minutes plus tard, je me retrouve face à une pièce de thon mijoté énorme, bananes douces, plantains, et fruta pão (le fruit de l'arbre à pain). Un vrai régal. Puis dans cette cour de vie où je me plais à revenir souvent, je me prends d'amitié pour ces femmes généreuses, sans manières, qui tressent leurs cheveux, se font les ongles ou allaitent leurs bébés tout en servant quelques clients du cru.