Phil, l'escapade africaine

Ramakwebane - le lièvre et la tortue

11/03/2016

Mais putain bande de touristes cyclistes trop blancs... Arrêtez un peu d'penser que partout par ici les "petits africains" sont pauvres parce qu'ils portent des t-shirt troués, parce qu'ils marchent pieds nu, qu'ils ont de la morve qui coule du pif. Arrêtez donc de croire ces africains qui jouent avec cette image de pitié que nous rabachent les médias occidentaux, porte ouverte à tous les pillages. L'Afrique cycliste, c'est village... Les gens s'en tapent des apparences. L'Afrique n'a pas besoin d'miroirs. Non, je n'ai pas envie de me plaindre de ce décor monotone, de ce bush d'épineux, de cette route plate du Botswana. Je ne suis pas une rocket lancée à toute allure à travers le Continent-Mère. Je me sers de mes 2 roues pour ralentir le rythme, vivre le détail, créer des histoires, spontané, m'arrêter un temps quand je me sens bien à un endroit. Aux yeux d'un européen nanti, l'Afrique n'a pas facile, certes. Mais à vélo, cette vision si misèreuse de l'Afrique, trop instantanée, naît, j'en suis sûr, de cette fuite vers l'avant trop facile dont les gros braquets aiment se vanter. Et pourquoi ne pas s'aventurer vers quelques alternatives, des itinéraires difficiles, des pistes en zigzags? Demain, je passe la frontière du Zimbabwe. Je compte bien y rouler ma bosse tout à l'est, pas pressé, vers les pistes de montagne, histoire de remplacer ce décor d'épineux par de grands arbres, y rencontrer les villageois, et flâner dans ce jardin infini, mystérieux, que j'imagine déjà comme Saõ Tomé é Principe. Soudain, les gouttes épaisses qui ricochent sur le tarmac granuleux me ramènent à l'instant. Mes poils blonds se plaquent contre ma peau noircie par le soleil, comme huilée, rendue presque gluante. Un type embarqué dans un pick-up venant du Zim me siffle, debout à l'arrière du véhicule, léger. Je lui renvoie un cri d'sauvage, euphorique. Déjà loin, il surenchérit d'une voix rauque à la Busta Rhymes, me hurlant un truc incompréhensible. Le ciel s'assombrit pour de bon. Les tons de blanc, de gris intense et de violet s'entrechoquent, se diluent, éclatent en éclairs juste à quelques centaines de mètres. 10 kilomètres avant la frontière, il serait peut-être temps de s'arrêter...