Phil, l'escapade africaine

Inhamizua - les petites attentions

13/05/2016

Les montagnes du Zimbabwe s'effacent peu à peu dans le lointain. Criblée de nids d'autruche rafistolés par les chinois, la bande de goudron peuplée de camions sauvages trace son chemin dans un paysage qui s'aplanit. Je joue du rétro dès l'matin, souvent éjecté dans les graviers du bas-côté par ces monstres d'acier prioritaires. Toute la journée, je croise des cyclistes transportant de lourdes charges: bidons en pagaille, cannes-à-sucre, bois de chauffage, imposants sacs de charbon... Un signe de la main, un sourire. Tiens, tout devant, voici un bahut sympa qui me klaxonne pour me saluer. La route devient un peu ma famille et je m'dis que si je venais à disparaître sous les roues d'un grumier, tout l'monde serait triste, catastrophé, mais qu'une heure plus tard, on m'aurait déjà oublié, la gomme du métal rutilant soulevant à nouveau la poussière du paysage. Rien ne change... à part ce décor qui, sur 300 kilomètres, vire de la terre rouge au sable blanc. De jour en jour, mon avancée vers les vagues se ponctue de petites aventures amusantes. Je me souviens de cette jolie charmeuse qui rentre mon vélo dans la cour de son petit resto alors que son feu n'est même pas encore allumé. Je me souviens de ce gardien collant et de son acolyte qui, de nuit, m'accompagnent dans un hôtel miteux pour que je leurs rince le gosier à coup de whisky. Puis surtout, il y a cet accueil famille village, au milieu des champs et des cases familiales, avec ce papa qui louche, une des filles borgne et le fils blessé au pied. Tout fier, il me tend la plus belle chaise de la parcelle, toute branlante, pour m'accueillir et m'offrir un brin de conversation. Pendant que l'on chauffe un peu d'eau pour ma "douche seau d'eau" tout confort du soir, les enfants pilent le maïs en cadence, alors que les plus petits dansent gaiement devant la radio, hilares, frappant la terre de leurs pieds minuscules. Ce soir, je bifurque vers la cour d'une école pour demander d'y poser la toile. C'est finalement un curé rigolard qui m'accueille, m'offrant mon premier lit depuis des lustres. Un peu mère poule, il ajuste même les draps pour que je sois bien installé et passe une nuit parfaite. Après la douche, il part donner la messe dans la petite église juste à côté où je finis par lui emboîter le pas, tant je trouve sa bonhomie amusante. Quelques minutes plus tard, il transforme son église en salle de spectacle pour acteur comique, se lançant dans un véritable one-man-show. A la fin de la messe, il m'invite à le rejoindre sur l'estrade pour présenter mon voyage à l'auditoire, avec l'aide d'une soeur kenyane qui se charge de la traduction. Et quand à la sortie, j'ai le malheur de confier à celle-ci que c'est mon anniversaire le lendemain, ce sont des chants de "happy birthday!" qui résonnent dans la cour. Mais les surprises se succèdent... Soudain, 2 voitures se garent, avec à leur bord la famille de notre artiste, les bras remplis de victuailles pour célébrer... son anniversaire. A chacun son tour... Inutile de préciser que je serai convié à la petite fiesta improvisée...