Phil, l'escapade africaine

Beira - mar azul, un cadeau d'anniversaire

14/05/2016

Tout au bout de ce trafic intense, des "rotonda" et des feux lumineux, elle apparaît enfin, tel un songe sorti de mes illusions de voyageur. Cette ligne tranchante d'un bleu profond, nette, affûtée, celle que j'attendais depuis des mois... voici que je l'entrevois, au bout de la ligne droite, entre un tuk-tuk et l'anarchie des fils électriques. Quelques rues en zigzags et, au détour d'un sorte de HLM en ruine habité, je me retrouve quasi les pneus dans l'sable, face à l'Océan Indien, calme, apaisant. Mon Canal du Mozambique, ma Mar Azul... Une voiture s'immobilise à ma hauteur, aimantée par mon attirail, distrayant un bref instant mes pupilles fixées loin vers ce trait captivant. Je leurs explique tout: les 9 pays traversés, les 12000 kilomètres parcourus, et mon anniversaire, aujourd'hui, face à l'océan tant désiré. Puis d'un coup, comme si je ne réalisais pas vraiment, toute mon aventure se met à défiler à toute vitesse dans ma caboche, telle une mosaïque de souvenirs et de sentiments. Submergé par mes émotions, les larmes me montent aux yeux... mais je tente de rester fier et tourne les talons pour reprendre mon chemin. Je m'ancre juste un rien plus loin, face à la mer, un coin désert, appuyant mes sacoches sur le dossier d'un banc. Cadeau d'anniversaire. J'y suis... Mes pensées vagabondent dans le lointain jusqu'à se perdre, s'égarer, ne plus revenir... Un bonhomme bien sapé vient s'assoir à côté de moi puis, sans gêne, d'un air bizarre, me sort une carte de sa poche en m'indiquant qu'il est de la police. Il l'y replonge aussitôt et pointe du doigt son collègue, assis sur le banc voisin. Il m'explique que pour avoir appuyé mon vélo sur ce banc qui se situe sur ce trottoir, je lui dois 3000 meticas, l'équivalent d'environ 30 repas, puis me demande de les suivre au commissariat. Il appuye sa sentence en écrivant la somme sur le sable, à l'aide d'un bout d'bois. Ce sale type fait surgir en moi toute l'animalité que le périple a pu y développer. Je le fusille du regard et lui raconte en 2 minutes toute mon aventure, depuis l'début, ne lui laissant pas placer un seul souffle, tentant de le prendre à la gorge. Culotté, il insiste tout d'même pour me soutirer de quoi manger. Je fais semblant de ne rien comprendre, me marre en se foutant d'sa tête et, empoignant mon guidon, le remercie de m'inviter à manger pour mon anniversaire. Enfoiré! Avec cet espoir secret de déjà trouver un bateau pour Madagascar, je mets le cap quelques kilomètres plus loin sur le Club nautique de la ville. Un peu chicos comme endroit... mais bon, c'est un peu la fête aujourd'hui. Je craque total pour un milkshake à la fraise bien fluo, un plat de coquillages et un cappuccino au prix de 5 repas habituels. Sale gueule triste, une barbe de presque 2 mois, les ongles noirs, je tangue entre émotions intenses et solitude profonde...