Phil, l'escapade africaine

Ilha de Moçambique - de la case à la villa

29/05/2016

Au Mozambique, il est très rare de trouver une zone de campagne non habitée. Villages surpeuplés, petits enfants qui courent en tout sens... J'y trouve la vie parfois plus rude que dans d'autres pays traversés. Ici, dès l'adolescence, les filles deviennent maman, prises au piège de leur condition, sans mari, plusieurs bébés sur les bras. Ça et là des enfants aux gros ventres, signe d'avitaminose, d'une éducation à l'alimentation variée qui s'étiole, souvent faute de connaissances et de moyens. Et moi je pédale, j'observe, avec le souci de m'imprégner de l'Afrique, voguant de plages en plages, bonheur égoïste, noyant tout juste mon errance dans les vagues. Je suis là, léger comme un grand gosse, comme toujours, dans ce pays en pleine déconfiture, en pleine guérilla, sifflotant gaiement des airs disco-paillettes avec cette insouciance toute africaine qui me colle de plus en plus à la peau. J'ai le sentiment profond que rien ne me touche... Alors, je rédige par épisodes ce journal où tout s'entrechoque, pêle-mêle, sans vraiment d'cohérence. Ça n'intéresse pas grand' monde, même pas mes proches, mais je gratte pour moi, pour... oui, pourquoi déjà ? Au delà de quelques salines improductives, je retrouve l'océan et pose la tente sur le sable, à l'ombre des cocotiers, seul sur la plage du camping déserté de la gentille Xininha. Je me régale déjà d'un délicieux poulpe grillé qu'elle me prépare avec plein d'gousses d'ail. Son mari Mikael, un grand blond suédois décontract' fan de Tuxedomoon, toujours la clope au bec, me prend en amitié. Profitant de mon "savoir faire belge", il m'emmène chez lui, dans sa villa, pour lui cuisiner des coquillages au vin blanc, un truc tout nouveau pour lui. Un dimanche, je suis invité au repas-buffet du camping, la grande table dressée sur le sable. Juste devant moi, sur un plat trop minuscule pour la contenir, une gigantesque langouste grillée me fait de l'oeil, avant d'être réduite en charpie par la fourchette de cette sylphide américaine et ses copines d'ONG, au discours trop plein de pitié pour "ces pauvres petits africains". Soudain, je me réveille de c'cauchemar, allongé sur un transat en bois rugueux de la villa de Mikael, après avoir cuisiné les coquillages. Au bord de la piscine, le filet de bave à la commissure des lèvres, je me retourne pour profiter de la vue sur cette mer émeraude, juste là, à travers cette arcade d'un blanc immaculé. Je repense à cette petite fille au ventre gonflé, au nombril tuméfié, qui gratte avec son couteau de brousse la crème vanille de ce foutu biscuit chocolat que j'ai partagé avec son père pour mon petit déjeuner. Lentement, elle gratte, fixant intensément la crème du regard, comme si elle découvrait une nouvelle sensation, un truc dont elle ne se doutait même pas qu'ça existait... Lentement, elle gratte.