Phil, l'escapade africaine

Mossuril - perdu dans les sables

08/06/2016

Après 10 jours à m'pavaner du côté d'Ilha, je suis anéanti par une fatigue que je ne m'explique pas et qui m'empêche de pédaler. Après 16 kilomètres de goudron, la jolie piste étroite que j'emprunte en direction de Mossuril, un village de la côte, me rend un peu d'énergie. Le goudron endort, abrutit. Au niveau d'une ruine perdue au milieu d'nulle part, je tombe sur une bifurcation mystérieuse. Attendre... Après un quart d'heure, hormis ce feu d'bois fumant et un bête troupeau d'chèvres, je ne vois toujours personne pour m'indiquer la bonne voie. Du coup, j'opte pour la mauvaise: une saloperie de bac à sable sur plus de 2 kilomètres. De quoi m'secouer... ou plutôt m'anéantir. A l'ombre d'un manguier, j'en profite pour casser la croûte, mais ces 3 miches misérables ont toutes les peines à passer de ma bouche à mon estomac. Un motard s'arrête à ma hauteur, intrigué par ma présence un peu perdue: "Plus loin, il n'y a rien à part la mer, me dit-il, mais c'est possible de passer de l'autre côté en bateau." Tout roule... J'ai même l'impression d'avoir trouvé un putain d'raccourci. Le type sympa me propose même de le suivre car, ajoute-t-il, "le chemin est un peu compliqué..." 'Faut connaître apparemment... Je m'engage donc sur sa trace, suivant un petit sentier de plus en plus pentu, de plus en plus encaissé, creusé dans la terre même... Tellement creusé, qu'à toute vitesse, j'en perds mes sacoches. On s'enfonce à présent dans les herbes hautes qui caressent mon passage, jusqu'à l'atterrissage, tout en bas, vers le bras de mer presque à sec. Marée basse. Pas prévu ça, la marée basse. Pas d'bateau, évidemment... Après un instant d'hésitation, les 2 amis me proposent de passer à gué, portant le vélo vers l'autre rive, là, tout au loin, vers Mossuril. A moitié mort, pas bien du tout, j'ai la bonne idée de les aider en décrochant une partie de mon chargement: les sacs les plus lourds. J'vais pas arriver de l'autre côté, c'est certain... Allez, courage ! comme diraient quelques imbéciles qui n'ont rien compris... 'Reste plus qu'une partie de mangrove dans la gadoue collante, puis une belle montée en plein sable. Là, je viens d'griller un poumon. Mossuril. Avec son rond-point surréaliste, démesuré, flanqué d'une statue bien conne du "créateur du Mozambique" au milieu. Tout ça pour ça... Je me remets de mes émotions avec un "refresco" puis reprends mes déambulations vers l'administration, histoire de demander à camper. "C'est le bâtiment au toit vert" me fait signe le type, en pointant du doigt la piste devant moi, envahie par le sable. Parallèle et en parfait état, la piste principale y mène tout aussi bien, mais il a fallu que ce stupide mec m'oriente vers la voie la plus pénible, me renseignant par dessus tout une bâtisse qui n'a rien à voir. L'administration, c'est le grand truc en forme de palace, avec les portes ouvertes en grand en guise de bienvenue, juste derrière l'immense plaine de SABLE. Impossible de le louper. Sous les rires moqueurs d'une ribambelle de mioches-pas-pour-t'aider, je pousse mon chargement vers le muret. Dernier effort. Mes pas se répercutent en échos dans l'immense pièce désespérément abandonnée. Même en tambourinant un air de batuke de toute mes forces sur le mobilier tout joli, ça marche pas. Personne. On m'annonce finalement que le grand chef serait en voyage, injoignable. "On ne peut pas autoriser de campement sans sa permission, 'voyez..." Prostré sur mon mur, je n'ai même plus d'énergie pour parler, dépité par leurs conneries d'tracasseries administratives. Lorsque je reprends mon guidon en main, une voiture passe à ma hauteur et fait soudain marche arrière. "Vous paraissez perdu..." me dit la dame âgée au volant. "Si vous ne savez où aller, vous pouvez aller chez ma fille, et camper gratuitement. Elle habite la guesthouse juste à 1 kilomètre. Là, on dirait un film... Je pose mon vélo chez Iseult, l'héroïne d'origine vénézuélienne, beauté naturelle, rare et sauvage. Corps élancé, jambes infinies, cheveux longs bouclés, une petite fille métisse toute nue aux cheveux blonds dans les bras, elle me parle français avec un accent américain étrange. Après, je crois que j'ai perdu connaissance..