Phil, l'escapade africaine

Matibane - recherche campement plage désespérément

10/06/2016

"Amigooooooo !" me crie de loin le flic du commissariat. Long soupir. Digne d'un matin d'anthologie, je lui susurre un "mmmmh..." sans majuscule, à peine audible. Je crois bien qu'il veut qu'je décampe. J'ai posé le campement ici hier soir, un peu par dépit. 'Faut dire que dans cette zone vaguement touristique haut de gamme totalement désertée, les discussions pour poser ma toile sur la plage m'ont beaucoup agacé. L'hôtel de pacotille puis les pêcheurs me réclamaient juste des prix inimaginables. Tant pis pour la pureté de cette longue et large bande de sable blanc... J'ai toute la côte mozambicaine pour me dénicher d'autres paradis plus valables. Au début de cette digue en travaux commencée et jamais terminée, le dos appuyé contre un muret, je démarre la journée en me cuisinant un porridge bourré d'forces. La piste sur la droite, vers le village de Matibane, étroite, bien roulante, finit vite par se compliquer, me larguant bientôt en pleine brousse. Un cycliste m'accompagne un moment vers le marché hypothétique d'un village voisin. "Je vais acheter du sucre" me dit-il. Il y aurait même peut-être du pain. Mais putain... il est super loin son marché de 3 boutiques. Et la piste pour l'atteindre, avec ses 2 collines de sable en forme de mur, c'est juste pour se faire mal... La première montée passe en pédalant, même dans les zones de sable, à condition de se scotcher fermement au guidon tant la pente est raide. La deuxième, ils l'appellent "montania": une longue ligne droite infinie en forme d'ornière de sable profond. Poussette obligatoire, aidé par mon ami cycliste. Au village, après quelques recherches, on finit par trouver du pain qui sort tout juste du four. Mes forces indiquent zéro, 'suis au bord de la fringale, mais je joue du psychologique, déterminé. Après ces 50 bornes d'enfer, j'veux en découdre avec ce calvaire. Pendouillant à mon vélo, les miches fumantes attendront. J'avale juste une poignée de noix de cajou grillées que j'avais oublié dans l'coin d'un sac et que je viens de retrouver. Bonne nouvelle: on m'indique la mer à 4 kilomètres. Quelques coups d'pédales plus loin, je demande à nouveau: "9 kilomètres, e pertu' !" Du grand n'importe quoi, comme d'habitude... Quand j'arrive au sommet du truc, vue panoramique sur toute la région, la jolie ligne d'horizon bleue, 'faut pas compter l'atteindre avant 20 bornes. Quelques trous d'sable et une chute plus tard, mes 2 roues foulent presque les vagues. Mais à l'administration, la gentille chef de service palabre jusqu'à plus soif avec ce policier récalcitrant. Je rêve encore de plage et de cocotiers, d'une ambiance un peu relax façon tu grilles ton poisson sur la braise, tu t'jettes presqu'à poil dans les vagues... Matibane. Oublions tout scénario idyllique. Je pousse mon vélo en direction du chantier d'ouvriers, juste à côté des gravats et du camion qui, je suppose, va démarrer l'moteur à 5 heures du mat. Y a même un gardien qui va sans doute ronfler à 10 mètres de ma toile. Voilà, j'peux dormir tranquille, 100% sécure...