Phil, l'escapade africaine

Vers Ngoma - la quiétude des eaux lisses

28/06/2016

Je ne sais plus qui m'avait dit: "Non, il n'y a plus de pont, mais c'est facile, tu verras, tu pousses le vélo sur 100 mètres seulement... La rivière est à sec..." Au coucher du soleil, mon regard se porte sur ce qui m'attend demain: un magnifique estuaire, longue et large étendue de sable, avec un filet d'eau juste au milieu. Ouais, 100 mètres, il me fait bien marrer le type... Réveillé à 5 heures du mat, la marée haute annoncée n'est pas vraiment au rendez-vous. Puis, le bateau que l'on me promettait pour le passage, juste là, en bas, ben... il est pas prêt d'accoster non plus. Mais on est là, et mes 2 compagnons-pousseurs ont déjà mis le cap vers l'autre rive. Mes sandales à scratchs distancées, je coure un coup pour les rattraper, m'infligeant un petit jogging matinal. Arrivés à ce qui reste du fleuve, une pirogue juste à la taille du vélo et un joli monsieur avec un long bambou nous captent pour la traversée. Lumière vive caressante, silence limpide des eaux immobiles, j'ai déjà la sensation d'être à Madagascar, rêvant d'une descente trop lisse des eaux épaisses du fleuve Tshiribine. Après encore un peu d'poussette, quand mes 2 roues se posent enfin sur la terre de la berge opposée, mon compteur indique 2 kilomètres et demi. Juste une balade de santé cette traversée... C'est parti, je peux rouler: le sentier, un vrai régal ludique, s'enfonce en pleines plantations verdoyantes. Venant dans le sens opposé, j'y croise un groupe de femmes qui partent au champs avec tout leur attirail sur la tête. Je n'ose imaginer quel animal féroce elles ont dû imaginer en moi à ce moment, mais en moins de 2 secondes, elles se transforment en redoutables sprinteuses, expédiant tout leur chargement au milieu du chemin pour s'enfuir bras en l'air en pleine brousse. Impossible de me ravoir... Elles ont vraiment disparu. Plus loin dans le paysage, une montée trop ensablée signale à mon estomac qu'il est temps de flanquer mon vélo dans les hautes herbes: c'est l'heure de la pause porridge et du café. Je remarque vite que les paysans n'osent plus passer, un peu comme si je leurs bloquais le passage. Pourtant, cette maman et sa petite, la tête chargée de bois mort, ne se laisse pas impressionner. Culottée, elle largue son fagot, s'affale sur le sable à ma hauteur, et me demande de lui préparer un thé. Éclats de rire... La piste s'élève maintenant vers quelques sommets. Au loin, j'admire le panorama séduisant, sorte de petit paradis, inaccessible. En toute quiétude, jonché de bancs de sable étincelants, un fleuve aux eaux turquoises se mêle progressivement à l'océan, tel un serpent qui s'y faufile. En bas de la colline, un panneau du bord de route attise un rien ma curiosité. J'avance donc en direction de la plage vers ce Resort grand luxe flambant neuf, avec l'intention d'y faire mousser mon aventure, de jouer copain copine avec le personnel, et peut-être, avec un peu d'chance, d'y passer la nuit. En voyant la tête poliment inclinée du représentant indien qui m'écoute tout attentivement, j'ai cru un moment que ça allait fonctionner... Mais 30 minutes plus tard, le ventre bien rempli au grand buffet self-service de la cuisine, quelques paquets de bouffe offerts fixés en annexe sur mes gros élastiques, je passe à nouveau le grand portail en direction de la piste sableuse. Sur la droite, au bout d'un sentier désert sans traces, je trouve une petite bicoque en dur, inhabitée, presque abandonnée. Ce qu'il reste d'un petit sentier abrupte méne à la plage, au loin, sauvage et déserte. Comme un chien à la gueule stupide penché à la fenêtre d'un véhicule, je reste planté là, la tignasse aux vents, à humer l'air vivifiant. Alors que je rebrousse après 5 minutes, un bonhomme apparaît. "Je suis le gardien des maisons de la plage" m'annonce-t-il. Tout jovial, il m'autorise immédiatement à camper, vue sur mer, entre les 2 minuscules dunes, juste parfaites pour me protéger du vent. Il me promet même de m'aider à pousser le vélo, le lendemain, pour rejoindre la maisonnette. Mes paupières encore lourdes s'ouvrent aux toutes premières lueurs du jour. Captivé par les couleurs changeantes du spectacle, la magie des premiers rayons du soleil m'envahit. Impossible de m'rendormir. Accrochés à l'horizon, quelques nuages gris se reflètent dans ce miroir d'or à marée basse. Et la ligne tranchante s'enflamme timidement d'un rouge sirupeux, presque dilué, beaucoup trop paresseux... J'ai juste envie de m'rendormir.