A l'ombre d'un grand arbre noueux, assailli par les bourrasques de poussière collante, je sors mon réchaud des sacoches pour le petit déj'. Cette nuit, le vent s'est levé. Le genre de souffle façon courant d'air islandais, prêt à te décorner un troupeau d'zébus malgaches trop placides, rien que pour les emmerder...
Une piste un peu roots et sableuse me mène aux abords de ce grand fleuve-frontière presqu'à sec que je dois traverser en pirogue, vélo embarqué, pour me retrouver en Tanzanie. Petit soucis, je m'rend compte que je n'ai pas gardé assez d'argent. Ça commence fort... Oups... ça roule, ils me laissent passer gratos...
Les accueils de villages bourrés d'enfants aux comportements non maitrisés du Mozambique m'amusent toujours autant. Impossible de rester de marbre face à cette masse d'énergie et de regards émerveillés... Dans ce village où la foule s'agglutine autour de la réparation de ma tirette de tente définitivement morte, j'entends soudain que l'on parle d'un autre cycliste-voyageur...
Toute la journée, je traverse cette réserve de Quirimbas, totalement calcinée. « 15 ans de conservation de corruption, 15 ans de conservation de charbon » me disait une suissesse résidente du côté de Ibo. Un vrai désastre... Après pas mal de montées, je m'arrête pour la nuit dans un village où je tends la toile en l'absence du chef, alors que les percussions résonnent sur la place juste à 2 pas. Chouette, du traditionnel...
Insouciante, affichant la même candeur que la mienne, elle s'élance en rigolant vers mon vélo que j'arrête à hauteur de sa maison. « Dinheiro ! » me lance-t-elle, hilare, spontanée, la main posée sur mes bouteilles en plastique. Bêtement, sa demande et son rire m'amusent. Puis il me prend l'idée d'inverser les rôles, curieux de voir où cette situation va nous m'ner...
« Mais pourquoi m'avez-vous demandé de revenir vendredi dans ce port si ce bateau pour les Comores n'existe pas ? » lui dis-je excédé, exaspéré... Bon, je dois bien me résoudre, ce type de la capitainerie m'a raconté du n'importe quoi...
Comme on me l'a conseillé, je me poste à 2 pas de l'église en ruine, à l'entrée de ce sentier invisible qui s'enfonce dans la mangrove un rien innondée. Les îliens ont l'habitude de passer par ici pour se rendre à marée basse vers Quirimbas, l'île voisine, passant à pied, à gué, par ce véritable labyrinthe vert. Impossible de s'y aventurer seul sous peine de s'y perdre...
"Il faut repartir à Pemba... C'est marée basse maintenant, il n'y a plus de bateau..." me dit le capitaine du débarcadère en me bousculant pour que je paie le "gardien" pour la nuit et les 3 bouchées d'riz d'hier. Nada. Pas question... A ce moment, mon ami camionneur d'hier réapparaît avec son foutu bahut...
Bonne nouvelle: la capitainerie du port m'annonce qu'un cargo en direction des Comores arrive fin de semaine prochaine. Parfait ça... Avec une semaine devant moi, je décide d'une escapade vers Vila do Ibo, belle bourgade typique située sur une île de l'archipel des Quirimbas...
A l'entrée du gros village, une trentaine de gosses surexcités font irruption de l'école et coursent mon vélo en hurlant "Gougniaaaa ! gougniaaaaaaaa !" J'suis désespéré. Déjà que mes roues vacillent dans l'sable, m'obligeant à trop pousser sur les pédales pour garder une trajectoire rectiligne, fallait en plus que je tombe sur cette horde qui me prend pour un clébard...