Je ne sais pas pourquoi, aux premières lueurs du jour, est-ce cet oiseau au cri strident posté juste à ma fenêtre ou ce cauchemar avec mon père qui se fait traîner par un dirigeable, je me réveille en pensant aux alourdisseurs de sacoches?...
En plein parc d'Odzala, les craquements de la forêt environnante se font de plus en plus denses. Mon imagination trépigne, mélange de stress et d'émerveillement. Alors que les singes sautent d'arbres en arbres, d'une seconde à l'autre, je m'attends à voir débouler un éléphant ou un gorille devant mon vélo...
Enfin un village! Attaqué de toutes parts par les moucherons et les abeilles qui se délectent de la sueur qui perle sur mon crâne, Philippe, le chef du village, m'indique le prochain village à 20km. Trop pour moi ce soir...
Après tant d'amitiés, reprendre la route après une semaine d'arrêt n'est jamais chose facile. Je me souviens de mon arrivée à Ouesso, tout sourire dehors, enthousiaste, saluant tout le monde sur mon passage, poussant la tôle qui sert de porte à ct'auberge... En construction, en démolition? Je n'ai toujours pas compris...
Dans la cour du chef du village, le chant du coq, c'est à 3h30 du mat. Si j'attrape ce stupide volatile, il va me payer très cher son délire. Bref, je me jette sur un restant de pâtes corned-beef froid de la veille, histoire de parer aux hasards du sentier...
J'arrive à la barrière tôt le matin. "Tu vas me donner le crédit" m'agresse le militaire en téléphonant à son collègue policier absent à son poste. C'est ça, causes toujours imbécile... Un tampon et zou... je suis déjà de l'autre côté de la barrière...
Après quelques zigzags matinaux intrépides sous les yeux des flics de la capitale, j'arrive en vrac à la gare routière de Mvan où je tente de trouver un bus pour quitter le pays. Dans quelques jours, je dois passer la frontière...
Comme tous les matins à 6h30, j'entends les échappées vocales catholiques de Suzanne qui résonnent dans tout le foyer. J'y loge depuis tellement longtemps que je fais maintenant partie des meubles. Son mari Jeannot, Monsieur Maurier comme elle l'appelle, est un vieux suisse blanc, tout sec, la bouche bourrée de trous laissés par quelques dents disparues, un gros pansement couleur chair flanqué sur le front...
Moto-taxi cheveux aux vents, une pâte hachis chez l'gros sénégalais, et nous voici en train de faire du stop pour rejoindre mon hôtel bord-de-mer à quelques bornes de là. Les pieds s'enfoncent dans le sable jaune épais de cette plage qui s'élance à l'infini...
Déjà presque 3 semaines sans pédaler... Ma pirouette; le nouvel an au son des rythmes décalés, entouré d'une quinzaine de fêtards de tous continents; et maintenant, les démarches administratives qui m'engluent à Yaoundé. Ce matin, le regard provocateur du secrétaire de l'ambassade du Congo Brazza en dit long sur ses intentions...