"Hey man! Are you crazy?" me crie un homme hilare de son pick-up. Vent d'face, faiblard, me vidant les tripes depuis quelques jours, j'embarque dans le véhicule pour 200 bornes de "road to nowhere"...
En descendant vers les immenses étendues du sud, mon corps calque son rythme sur celui du décor. Peu à peu, ma nature intègre le désert. Je me lève tôt pour profiter de la fraîcheur matinale et des conditions sans vent. Je m'arrête à l'ombre en cas de coup d'chaleur, n'hésitant pas à faire la sieste. Je m'arrête tôt pour ne pas épuiser mes réserves et profiter cool de ma soirée...
Il est déjà tard quand, les yeux mi-clos, je déguste ce bout d'gâteau au chocolat dans la pâtisserie trop calme d'Outjo. Face à mon café, je me rendors presque quand soudain, 3 cyclistes rutilants à l'accent indéfinissable débarquent et foutent un vrai souk à chaque mot qu'ils prononcent...
Sous le regard des touristes, les points d'eau des différents campements du parc sont des lieux de rassemblement pour les animaux qui viennent s'y rafraîchir. A chaque moment de la journée et de la nuit, les animaux s'y relaient pour de véritables pièces de théâtre...
Interdit de faire du stop dans le parc, encore moins avec un vélo comme le mien, ça va de soi... Mais, me dit-on, les gardes sont conciliants. Voyons voir... 30 kilomètres de route me séparent de l'entrée d'Etosha. Je les avale d'un seul coup d'pédales. Au diable les lions resquilleurs de clôture qui pourraient traîner par là...
Rien sur 60 kilomètres, à part cette clôture qui suit la route des 2 côtés et ces épineux tristement secs. A ma droite, sur des kilomètres, je longe le parc d'Etosha dont je rêve depuis le début du voyage. Soudain, mon regard accroche une forme bizarre qui dépasse de la cime des arbres...
Quittant la maison crade et les 2 enfants obèses gavés à coup de coke et de KFC de cet ancien maire, je me perds dans les rues perpendiculaires du bled. Vite un café. La route étroite défile, avec ses bars, ses car-wash et ses camions turbulents qui te klaxonnent juste à hauteur...
C'est avec une pointe au coeur, déjà tenaillé par la saudade, que je quitte l'Angola, pays chargé d'émotions et d'affectif. Je passe la frontière allègre, dépliant la carte de ce magnifique pays spécialement pour cette petite dame de l'Immigration intriguée par tant de zigzags...
Même pas un verre d'eau fraîche chez cet administrateur du patelin... La tente plantée à côté de sa grande maison, je bois mes restes de flotte chaude de la route. 5 heures du mat, le flic inutile qu'il m'a collé pour ma sécurité me crie qu'il met les voiles...
Cette route est vraiment chiante. Une longue ligne droite, plate, à travers la forêt d'épineux, sans âmes qui vivent à part quelques boeufs perdus et quelques oiseaux. Deux huppes colorées au vol maladroit, furtives: 5 secondes de bonheur sur la journée. Aujourd'hui, mon vélo paré pour le démarrage, je constate une crevaison au pneu arrière: une limaille de métal récalcitrante que je finis par arracher en un coup d'incisive, primitif...