Phil, l'escapade africaine

Dolisie - je savoure

26/04/2015

Mon mini-matelas posé sur la bâche, la moustiquaire accrochée à un coin de fenêtre, la nuit dans cette grande salle vide ne fût guère récupératrice. Avec ma gueule de Paul Presbois, la fatigue dans l’œil, je jette un dernier regard à ces 2 grandes percus que j'aurais bien embarqué. Ça fait des mois que je n'ai plus touché de peau. J'enfourche ma monture pour trouver une hypothétique cafet où me remplir le ventre. La quatrième sera la bonne: enfin ouvert. Elle me semble d'ailleurs fort sympathique... avec cette petite serveuse filiforme que je kiffe trop. Ma fatigue s'estompe sec, mes yeux s'ouvrent enfin, et je décide de la mater exagérément. Fruit de mon regard persistant peut-être, le vieux patron m'offre un énorme avocat pour la route. "Ça, c'est la surcharge!" me lance un gros bonhomme descendant la rue, les doigts de pied en éventail. "Il faut acheter un autre moyen! (transport)" me crie un autre. Est-ce ce spaghet hyper costaud à prix d'or d'hier, ou cette matinée bien joyeuse, je me sens galvanisé à bloc pour cette "route des chinois" vers Dolisie. Et je me mets à faire la course avec un gosse qui ne demande qu'à jouer, comme un Claude Marthaler pédalant dans l'Sahara. Un peu plus loin, un cycliste-une-vitesse me double, le regard braqué vers l'avant. Je le rattrape vite fait pour quelques kilomètres de roues ensemble, et un peu de papote. Il m'emmène finalement dans son village, histoire d'acheter 2 bouteilles d'eau qu’évidemment j'ai oublié d'embarquer au départ, grand distrait. Tout le village, les yeux complètement éclaté à l'alcool de maïs, est déjà en train de trinquer. Pas beau à voir... "Tu viens d'où? " me crie-t-on du bord de route. "Du Cameroun!" Ouf, j'ai cru que celui-là allait se déboîter la mâchoire... Je savoure cette douce journée à la luminosité particulière. Ciel dégagé à ma gauche, nuageux à ma droite, couleurs des paysages saturées. Un vrai délice. Sur ce bitume tout neuf coupé à la circulation poids-lourds, il ne reste pas grand' monde à part moi. Et aujourd'hui, je dévore littéralement le paysage, comme un dingue qui a bouffé du lion, même si je n'ai rien avalé alors que le compteur affiche déjà 70 bornes. Pas d'ombre, pas d'arrêt... Mais à 10 kilomètres de Dolisie, voici enfin un arbre au feuillage bien fourni. Je ne fais qu'une bouché de ce sandwich saucisson que j'agrémente de 2 mini-bananes chaudes au goût citronné, toutes écrasées au fond d'une sacoche brûlante. Puis voici Désiré, un motard vendeur de jus, qui s'arrête à ma hauteur, toute glacière dehors. Là,  c'est vraiment du luxe... Un Planet-orange glacé... Et je reprends la route en chantonnant "Mon pays va mal", tout sourire, à l'africaine.