Phil, l'escapade africaine

Nté Nté - la piste disparue

07/05/2015

Après une journée d'attente, le policier roublard m'accorde enfin mon tampon de sortie du Congo... Je peux m'élancer vers la frontière gabonaise. Seul hic: la piste. Evaporée, désintégrée, vague souvenir sur une carte. Plus aucun véhicule ne pourrait s'y risquer. Au début, de sentiers sableux en collines franches, je bataille ferme avec ces masses d'herbes folles plus hautes que moi. J'ai beau grimper sur mon vélo: impossible à pédaler... Plus loin, c'est encore pire: la forêt et les pluies torrentielles de l'équateur ont tout gaspillé. Ne restent que d'énormes ravins surplombés de sentiers faméliques, s'effondrant sous mes pas et le poids de tout mon barda bien inutile. Impossible de passer à 2 sur ce maigre passage. Je dois manœuvrer: moi, en équilibre quelque part, n'importe comment, parfois dans la crevasse en contre bas; mon vélo, en suspension précaire, sur le sentier tout en haut. Le sentier s’émiette. Les 2 roues zippent. C'est l'étreinte dans l'fossé, le vélo sur moi, en dominateur. Pour pimenter, on inverse ensuite les rôles: du haut de mon sentier, mes petits bras d'européen chétif tentent de hisser par force mon compagnon de débauche. Perdu au milieu de la brousse, j'escalade cet effondrement de terrain en tout sens, plombé de ce fardeau pesant, épuisé, le t-shirt saturé de sueur odorante. Après 10 kilomètres, je surgis de toute cette végétation, l'air hagard, défait, les cheveux ressemblant à un plaque madame géant. Il est 13 heures quand j'aperçois enfin les premières maisons de planches du village de Nté Nté. Renseignements pris, je m’étale sur la chaise du secrétaire du chef, Philippe, le pied enflé par un furoncle vicieux situé en plein gros orteil. Il a dû exploser dans l'aventure (le furoncle, pas l'orteil...). Alors que je remets mon avancée vers la frontière à demain, Philippe me rappelle déjà qu'il est passé midi. "Il est temps que tu te cuisines quelque chose." Et toute l'après-midi, je les regarde manger goulûment d'énormes pamplemousses, sans même me proposer un quartier... "Et ton vélo, il coûte combien? Et la caméra, c'est combien?..." Ça faisait longtemps que l'on ne me prenait plus pour un richbar...