Phil, l'escapade africaine

Ndindi - Moogly dans la jungle du Gabon

08/05/2015

Vu mon aventure rocambolesque d'hier, les ravins, l'arbre tombé qui entrave le chemin, ma démarche de boiteux, Chang et son fils estropié du pied accompagnent ma progression de ce matin. Mais au beau milieu de la forêt, tout à coup, le type décide de la jouer volte face. Il réclame immédiatement son dû revu à la hausse, refuse de m'accompagner jusqu'au village suivant, harponne mon casque, puis m'empêche de repartir. "Regardes comme je suis..." s'exclame-t-il d'un ton plaintif, montrant son futal trempé et souillé par les herbes. Je ricane. Je tente de calmer la situation et il finit par avancer encore un kilomètre vers ce tronc qui me coupe le chemin. Je le paie pour sa balade d'une heure en forêt. Allez ciao couillon d'bandit. Dommage de quitter le Congo sur cette touche négative... Quelques tours de roues plus loin, j'arrive enthousiaste, pédalant presqu'en sifflotant, au drapeau du PK12, premier village gabonais. Seulement une maison avec en bonus, un bonhomme tout jovial. Il me reste à parcourir 18 kilomètres de piste chaotique déserte, en plein parc naturel, pure forêt dense du Mayombe. Atmosphère tout en vert, craquements mystérieux. Une colonie de singes adorables saute d'arbre en arbre. On s'observe, curieux. De plus en plus nombreuses, de plus en plus fraîches, les traces d'éléphants prennent possession de la piste. Au loin, mes yeux croisent une fraction d'seconde une masse noire tout droit sortie de ce mur végétal qui m'entoure. Ai-je halluciné? Je me sens épié de toutes parts. Les arbres et autres grandes herbes jetées sur la voie par les pachydermes se multiplient, comme si quelqu'un voulait encore ralentir ma progression.  Et je me faufile parfois, sur le côté, dans d'étroits passages taillés à la machette dans la broussaille. Soudain, les 2 roues de mon attirail se figent: une énorme arbre me barre la route sur plusieurs mètres. Je suis contraint de décharger les sacoches pour les transporter une à une de l'autre côté, frayant mon chemin dans ce tunnel végétal bourré de troncs et de lianes coupantes. Harcelé par ces saloperies de mouches à filaire, les épines transpercent ma peau tannée. Le sang pisse de partout. Il ne me reste plus qu'à "transférer" ce foutu vélo tout déshabillé, en espérant ne pas laisser une roue accrochée dans les branchages. Si seulement j'avais une machette pour virer tout c'bazar... Alors qu'au loin résonne le cri de Tarzan, un énorme varan jaune et bleu de plus d'un mètre détalle juste devant moi, sans doute surpris de rencontrer ce nouveau type d'animal sauvage. Au détour d'un carrefour, une trace de véhicule marque la fin de l'aventure. Euphorie. "Personne ne rentre au Gabon par ici." me dit le policier, désolé de ne plus avoir d'encre pour tamponner mon passeport. Je suis à Ndindi, village à l'ambiance sable blanc, au bord d'une délicieuse lagune qui demain, me conduira à la plage de Mayumba.