Phil, l'escapade africaine

Ndendé - l'homme qui clignote

12/07/2015

Après 2 journées pur goudron quasi plates où mon vélo cavale à grands tours de roues, la piste m'attend de pied ferme tout devant. Encore un p'tit déj cadeau de mon ami instit Adama, puis je m'élance vers le sud, direction la frontière congolaise. Toute la journée, je clignote: j'apparais et disparais dans d'épais nuages de poussière soulevés par des véhicules trop pressés. Entre trous et pierres, je cherche ma trajectoire sur cette latérite façon tôle ondulée, harcelé par des tsétsés qui prennent mes sacoches pour un collectif de luxe. Même si je donne en jambes afin de les semer, pour elles, c'est ravito inclus: je les retrouve à chaque arrêt, tournoyant autour de leur proie cycliste favorite, se posant sur ma peau ni vu ni connu. Sur la route, cela fait quelques jours qu'on me prend pour une célébrité... Aujourd'hui, une voiture roule à ma hauteur avec, penchée par la fenêtre, cette folle de Facebook qui me vise de son I-phone. Hilare, elle hurle: "Je vais publier ça! Il faut que je publie!..." Fin de journée, je la retrouve à l'entrée de la bourgade, assise sous une paillote en bord de route avec quelques anciens. Un sénateur m'offre le vin de palme, trouble et amer. Tout le monde semble déjà bien entamé. Le seul encore lucide reste ce monsieur qui a vécu 4 ans à Ougrée, fin des années 70. "J'étais le seul noir du quartier, raconte-t-il. J'ai toujours été bien accueilli. Ma voisine me disposait des sacs de riz sur le pas de ma porte, le boucher me donnait des queues de boeufs gratuitement..." C'était l'époque où les gens étaient curieux des autres, de leurs différences. Je roule vers l'église où Prisca me reçoit les bras ouverts. Elle me sert une large assiette de poule maison qu'elle a cuisiné pour la grande fête du dimanche. Plus tard dans la soirée, un homme au regard trouble, la bouche de travers, vient me trouver alors que je sors juste de la douche. "C'était monsieur l'curé, me dit Prisca. Il ne reviendra qu'au lever du jour. Il y a la fête au village." Et déjà elle m'installe dans le lit du padré pour la nuit