Phil, l'escapade africaine

Zvishavane - à toute vitesse

24/03/2016

Il est 7 heures du mat quand je quitte le village où je me suis volontairement isolé dans la toile hier. Je m'arrête un rien plus loin, posant mon rack-pack sur un bloc de quartz pour concocter mon porridge. J'ai mal dosé: trop maigre... Les fesses posées sur un roc de granite, j'observe le mont Shamba se décoiffer peu à peu des nuages qui le chapeautent. Fatigué, je regarde ma face dans le rétro. Ma paupière ressemble à un vieux pruneaux, vidée, bouffie, molle. Barbu, je m'sens gris, vieux, et me dis qu'après c'voyage, mon corps sera bon pour la casse. J'essaye de me réconforter: en plus du café, je me surdose un cacao, ô nouveau luxe de mes sacoches... A peine les pneus sur le goudron, une camionnette me rase et sans l'savoir, allume la mèche de ma fureur. Je pousse sur les pédales comme un dingue. Aujourd'hui, je dévore les côtes à du 10km/h. Mieux qu'hier où je plafonnais lamentablement à du 6, me laissant dériver vers l'arrière par le poids de mon bahut. Moulinant comme un taré, un p'tit gosse et son BMX au guidon Chopper me dépasse en m'narguant, accompagné d'une copine plus âgée à l'air garçonne. Il arbore une crête bien punk au milieu du crâne, tout fier, tout sourire. Je leurs crie "Race! Race!", appuyé de youyou à la marocaine qui les galvanisent à fond. Dans la descente, on évite de peu la catastrophe quand quelques vaches inconscientes décident de traverser. Après 73 kilomètres, mon estomac crie famine. Dévalant la montagne à toute vitesse, j'arrive enfin à Zvishavane, bourgade agitée et bien bondée. Aveuglé par mon élan, en pleine poussée d'adrénaline, je bondis de casse-vitesse en casse-vitesse, sous les cris des passants médusés par ce cycliste trop à la masse.