Phil, l'escapade africaine

Hawickdale - le blanc portefeuille

25/03/2016

Cela fait quelques jours que j'ai l'impression d'être un véritable portefeuille. Comme dans ce village où les terres d'un ancien fermier blanc ont été redistribuées aux locaux, tout commence souvent par cette simple question: "Combien coûte le vélo?" T'as beau leurs expliquer que tout ce que tu possèdes c'est ce bout d'métal à 2 roues, t'as beau leurs expliquer que t'as juste un p'tit compte en banque qui sera sans doute à sec à la fin de ton périple, t'as beau leurs expliquer que tu n'as plus droit à rien dans ton foutu pays fasciste, t'as beau leurs expliquer qu'ils sont plus riches que toi avec toutes leurs vaches et leurs chèvres... Rien n'y fait. Alors, autour d'une pâte au thon que tu partages volontiers, tu rentres dans les détails et les questions fusent. Puis, tu sers un dernier thé dont ils en savourent chaque gorgée. D'un air satisfait par tes gestes, le père te lance: "C'est ça l'Afrique..." Il t'explique que le repas que tu lui a servi, le bête plat d'pâtes basique qui te requinque si souvent, c'est un repas de fête pour lui, une sorte de festin que la famille cuisine seulement à la fin de l'année. Avec ton concentré de tomates et ta boîte de thon au prix de 3 ou 4 repas dans une gargotte bord de route, tu réalises que quoique tu fasses, quoique tu dises, tu seras toujours le visiteur au portefeuille rempli de dollars. Ton vélo, ta bouffe, tes bouquins, ta peau, tout chez toi vire au synonyme de richesse. Le lendemain, autour d'un délicieux porridge aigre-doux préparé par sa femme, il recopie un article de ton Lonely Planet. Saisissant un bic rouge, il te dresse sur un bout d'feuille la liste de ce que tu dois lui envoyer de retour au pays, en n'oubliant surtout pas de joindre les photos. C'est plus fort que lui, il te prends pour ce putain d'Père Noël sponsorisé par Coca Cola, pensant sans doute que tu relèves les commandes à chaque village où tu passes la nuit. Dans son élan, il tente de te soutirer ta chère sonnette girafe, cadeau de départ d'un de tes amis. Il braque ensuite son regard sur tes pommes, maigre énergie pour la route... Plus loin, tu rencontres une petite fille, 2 bouteilles de Coke de 2 litres dans les bras, l'équivalent aussi de plusieurs repas de route. "Please, help meeee...", te lance-t-elle d'un air suppliant, la moue triste à mourir, digne de la pire actrice de série Z. 'Faut pas rêver fillette, Santa Claus, il est bien trop gras pour se déplacer à vélo... Et Jésus, je lui ressemble peut-être, mais tu peux dire à tes parents que je n'marche pas sur l'eau... J'préfère le pédalo... (Puis j'aime pas l'vin non plus, tiens...)