Phil, l'escapade africaine

Skyline Junction - entre Ardennes et Finlande

13/04/2016

Après le renouvellement de mon visa à la frontière du Mozambique, un peu d'errance à pied dans de lumineuses plantations de thé, et une semaine d'attente dans le jardin du cyber de Chipinge pour que la pluie cesse de tomber, mes roues reprennent enfin du mouvement. Penn ne m'avait pas menti: vers Chimanimani, ça grimpe sec et longtemps. Hautes herbes en bord de route, j'aborde une première bosse de 4 kilomètres qui me transporte vers une planète beaucoup plus sauvage. Après ce tournant où une vingtaine de babouins s'enfuient des épis de maïs dans la gueule, je vogue dans un décor coincé entre le caractère fort de nos Ardennes et la douceur de la taïga finlandaise. Aucun village, que du brut... Des pins à perte de vue, nichés dans le creux des collines. Une deuxième bosse de 4 kilomètres puis tout commence vraiment à se corser. Dans cette ascension de 15 kilomètres, Mes pneus collent au goudron, le compteur plafonnant entre 4,5 et 6 km/h. Alors que les eucalyptus aux troncs pelés se mêlent maintenant aux pins, la fraîcheur progressent, et bizarrement, avec l'altitude, une curieuse euphorie me gagne. Quelques troncs brûlés, des tronçonneuses qui retentissement, une scierie en plein air où les cris des hommes se répercutent en échos, quelques cases de terre dans une forêt tranchée, et tout au bout de la ligne droite, un village de planches aux pelouses vert fluo, enflammé par le soleil qui s'embrase. Après une descente aussi ridicule que glaciale, le panorama s'ouvre sur les monts de quartz tout au loin, frontière avec le Mozambique. Je me fige un instant, contemplatif, puis me retourne sur cette rangée d'habitations en bois et cette vieille carcasse de bagnole pourrie sur laquelle j'appuie mes sacoches toutes griffées. Dans la petite boutique d'Ezra, j'enfile rapidos mon pantalon et 4 couches de vêtements histoire de compenser tout ce sucre dépensé dans la montée. Tout fier d'accueillir ma toile trempée de rosée juste devant son magasin, il empoigne déjà sa tronçonneuse, fonçant d'un pas ferme vers un eucalyptus parasite, borné à le réduire en flammes. Et pendant qu'Ezra pose la casserole sur la braise, tournant la cuillère en bois dans cette sadza qui prend consistance, les jeunes du village se relayent autour du feu pour y jeter mains et jambes de pantalon glacées par l'altitude. Les conversations fusent, égayées par leurs bières de maïs et de mil, et tout se termine par quelques pas de danse, dans l'hilarité générale, le cul cambré vers l'arrière.