Phil, l'escapade africaine

Mutare - le clochard blanc puant

02/05/2016

Curieuse période. Je me prostre pendant des heures sous la tente sans pouvoir en sortir. Assis sur mon muret pour ingurgiter un truc chaud du supermarché, j'observe le ballet des grosses voitures de luxe qui s'pointent pour assister à la grand messe du dimanche. Religion, foire de l'apparence, accès à la richesse. Pas un bonjour, pas un geste, pas une parole... Triste. Pour un peu, on s'croirait en Europe, chacun dans son chacun. Même les curés me snobent, déviant leur regard, indifférents à ma présence. Je vagabonde dans mes pensées, déprime dans mon coin, sans prendre soin de moi, comme une vieille chose puante. Juste à côté, pas envie de laver mes fringues ni même prendre une douche dans ce local répugnant, jonché d'crottes de rats, où planent tant d'effluves nauséabondes... Parfois, je cherche quelques vagues explications à ce nihilisme: je m'en vais chez Carole, la caissière de la station service, mon seul contact doux du quartier. Peut-être cette politesse british excessive, "crème de la crème" pour les gens bien éduqués, qui ne convient pas à mon caractère trop subversif... Après une semaine de mutisme, je finis par prendre la route sans même saluer tout c'beau monde, par ras-le-bol, pensant que leur clochard blanc attitré n'était pas le bienvenu. Après 15 kilomètres de goudron, je file à plus de 30 quand une poussière tranchante se plante dans ma cornée, m'obligeant à stopper net. Je dois faire demi-tour, levant l'pouce, embarqué avec mon vélo dans un gentil pick-up direction l'hôpital. On m'y retire sans soucis le machin parasite. Je réintégre la cathédrale pour quelques jours, encore, y allonge finalement le matelas sur les pavés des "catacombes", le temps de soigner mon oeil à coup de crème. "Why are you so lonely?" me demande John, le gardien un peu inquiet. Je trace dans mes pensées, j'écris, je digére bout par bout mon histoire, je m'asphyxie pour mieux respirer... Passage obligé.