Phil, l'escapade africaine

Nampula - de chapas en chapas

22/05/2016

Ma décision est prise depuis hier: je ne remonterai plus dans ce bus épave aux vitres explosées, cible idéale pour rebels en recherche de visibilité. Après un petit déj' pris dans ce "take away" dortoir somalien, je me vire sur la route pour une séance de stop inespéré en direction du nord. Un minibus vide m'embarque vers la station où le sympathique chauffeur arnache mon vélo à l'arrière, solidement fixé sur le pare-chocs. Quand l'asphalte laisse place à la piste, il m'explique que nous sommes en pleine zone critique. No man's land. Tout ici n'est que désolation, cases abandonnées, certaines brûlées par les rebels militaires. "Entre 17 et 19 heures, si tu te trouves ici, tu te fais tuer..." me dit le chauffeur. Ça rigole pas... Du haut de la colline, il me montre ensuite du doigt, à l'ombre de grands arbres, le camp des rebels. Armés jusqu'aux dents, en voici 2, postés dans le tournant au pied de la descente. Tout se passe comme au ralenti : comme si de rien n'était, le véhicule passe à leur hauteur, et le chauffeur leurs adresse un bref signe de la main, comme s'il les connaissait. Plus loin, une épave de camion gît dans le fossé. A "Alto-machin", tout l'monde descend du véhicule. Je transfère mon derrière dans un autre engin roulant, le vélo encordé sur le toit de cette carlingue en état d'décomposition avancée. Tous compressés comme des sardines, je me retrouve à côté d'une petite nana fatiguée qui finit par sombrer, la tête appuyée contre le dossier du siège en face. Je l'observe 5 minutes, me prends d'amour pour son lobe d'oreille tout joli, puis la suis dans son délire, comatant à mon tour, par épisodes. "E cansad'..." m'avoue-t-elle d'un soupir, d'une voix lasse, appuyant son expression d'une main molle sur le front. Pendant tout ce temps collé contre elle, je n'ai pas encore été foutu de le remarquer - et pourtant ça saute vraiment aux yeux - la petite prof est enceinte de 6 mois. Elle me demande si j'ai un endroit où me poser à Nampula et je comprends vite que jeb suis plus que bienvenu chez elle. Mais une fois descendus du chapas, le vélo remonté, entourés d'une foule de jeunes qui nous charient un peu trop et sèment la confusion, elle se ravise finalement, répondant par un "não" à mes points d'interrogation. En prime, la belle me sert un rire moqueur... Je n'ai strictement rien compris à cette situation et, dans la nuit qui s'abat sur ce coin d'planète, mon vélo s'éloigne sous les rires de la foule, vagabondant de feux lumineux en carrefours, dans cette ville plus grande que je ne l'imaginais, avec comme seule guide ce foutu plan incompréhensible que j'ai griffonné à la hâte sur un bout d'papier minuscule. Trouver la gare des trains puis le backpackers pas loin, ça ne paraît pourtant pas compliqué...