Phil, l'escapade africaine

Muanona 2 - plein d'enfants

27/05/2016

Ce matin, je joue à mon jeu favori: le "dire bonjour". "Bom dia...", "Como está ?", "Amigooooooo !" Dans cette sorte de course cycliste que j'intègre dès les premiers coups d'pédales, tous me répondent sans exception. Au Mozambique, les sourires éclatent, naturels, plus enchanteurs qu'ailleurs... D'émotions, j'en ai parfois les larmes aux yeux. Avec cette "lumière matinale cadeau" qui caressent les peaux, je m'émerveille encore plus des visages, de ce métissage que je n'ai vu qu'ici, marqué non dans la couleur de peau, mais dans les traits, les formes, les corps longilignes. Tous les matins, la campagne mozambicaine affiche son maximum : les épis de maïs qui sèchent au soleil débordent des toits de chaume, les vélos roulent lentement chargés à l'excès... et que dire des têtes des femmes, en plein exercice d'équilibre, tout sourire, surchargées elles aussi de fagots d'herbes séchées, de bois, de bassines remplies ou de seaux d'eau bien pesants. Chacun vaque à ses occupations quotidiennes, précises, liens sociaux, laissant les plaintes aux nantis chez qui tout est facile, gaspillé, où personne ne sera plus jamais content. Dès l'aube, le moindre détail est prétexte à bonne humeur... Sur un petit sentier ombragé, je déguste mes 3 petites miches de pain frais et quelques beignets à base de farine de haricots. Me voyant, une vieille dame hésite tout d'abord à s'engager, puis elle vient me parler, décontractée, rigolarde, me proposant le cul de sa fille, juste pour moi, moulé dans son joli pagne. Éclats de rire... Au loin, je l'entends déjà raconter l'histoire du blanc en train de manger, assis au pied de son vélo. Quand je reprends la route, un petit bonhomme et son vélo 2 fois trop grand pour lui déboule sur la route, gravissant la bute à la force de ses petits mollets et poignets. Regard furtif, quelques tours de roues devant moi, et il redescend illico par le sentier de la case voisine, un rien en panique. Il y a aussi ce gros motard, avec son casque "taille small" duquel ressortent ses pommettes surcompressées, à la limite de l'explosion. Avec toutes ces montées qui s'accumulent, mes jambes abdiquent pour aujourd'hui. Je tombe directement sur un chef de village dont la maison se situe en bord de route, à côté du petit marché. Ouh, pas vraiment calme ça, mais bon... je me résous à dresser la tente où je peux, entouré par des dizaines de gosses curieux qui accompagnent de cris d'étonnement mes moindres gestes, le nez quasi posé sur mon marteau. Parfois, je les fais reculer pour tendre la toile, ce qui les effraie un peu, mais m'amuse beaucoup. Au moment d'enfiler un pantalon dans ma petite maison, la situation devient soudain ingérable et le chef se met à chasser la foule encombrante venue se divertir du spectacle de l'étrange étranger blanc. Assis sur ma chaise d'invité d'honneur, le "traducteur" me présente ma future femme, morceau de choix d'à peine 17 ans, un mioche déjà fixé au bout du sein... Celle-ci ne perd pas de temps: elle passe de suite à la question "dinheiro"... Tiens, un peu de timidité m'aurait franchement étonné. Au moment où je rejoins ma tente pour la nuit, comme si tout le village se contenait jusqu'ici, l'ambiance extérieure vire carrément à l'émeute. Vacarme ! Je me retrouve au beau milieu d'une cour de recrée laissée à l'abandon par les professeurs. A une heure du mat, une sorte de chant polyphonique pygmée hardcore d'outre tombe me réveille en sursaut. 'Manquait plus qu'ça... Sur la place du marché, le concert de quelques types bourrés aux voix rauques hurlantes vient juste de commencer, berçant mes oreilles sensibles jusqu'aux premières lueurs. La paupière molle, j'attends avec impatience l'inévitable stupide question traditionnelle du matin : "Comment s'est passé la nuit ?..." Et le pire, c'est que personne n'a rien entendu de tout c'chahut. J'y crois même pas: ce n'était sans doute qu'un songe profond...