Phil, l'escapade africaine

Pemba - le gougnia des sables

30/06/2016

A l'entrée du gros village, une trentaine de gosses surexcités font irruption de l'école et coursent mon vélo en hurlant "Gougniaaaa ! gougniaaaaaaaa !" J'suis désespéré. Déjà que mes roues vacillent dans l'sable, m'obligeant à trop pousser sur les pédales pour garder une trajectoire rectiligne, fallait en plus que je tombe sur cette horde qui me prend pour un clébard... Là, tout esquinté par cette nuit trop courte, je sors juste d'une demi-heure de poussette dans le sable, aidé par un gentil monsieur courageux, un sac de farine posé sur la tête. Puis je tombe sur cette sortie d'école, sans transition. Vraiment... 'Font chier ces gosses ! Et personne ne dit rien, on laisse se poursuivre la "chasse au blanc". Cool, peinard. C'est normal ça ?... Personne ne voit qu'il en a sa claque, parfois, le gougnia ? Au Maroc, 10 anciens seraient déjà en train de leurs courir aux trousses un bâton en main. "Gougniaaaa ! gouGNIAAAAAAAA !" Ça signifie "blanc" en langage makoua... Il me hérisse les poils ce mot ridicule avec son final en "gnia" qui me heurte les tympans à chaque coup. Personne n'a rien d'plus doux à proposer, genre "brancu", "toubab", ou "musungu" ? Un truc qui tombe mieux dans l'oreille ? Non... c'est "gougnia". Puis voilà qu'un des enfants empoigne mon sac arrière, déséquilibre mon vélo, et m'oblige à stopper net. Pffff ! Je me retourne vers eux, et leurs lance un "não !" significatif, les sourcils froncés, la paume vers le ciel en guise de protestation. Tout l'monde se fige. Fin d'la fête. Je continue mon chemin quand un type sort de sa boutique et m'aperçoit. Il se moque de moi, rire excessif, théâtral, sans fin... Je reste la tête dans l'guidon, excédé, pas d'humeur, essayant de l'ignorer. Toujours dans le même village, la police m'arrête maintenant pour me prévenir qu'ici, il faut faire attention aux voleurs. A les écouter, on dirait même que la situation n'est plus du tout sous contrôle. Plus loin vers la sortie du village, je pose le pied pour boire une gorgée d'eau. Un type passe à ma hauteur et, sans me saluer, me demande directement de l'argent. "Cinquanta !" me lance-t-il d'un air agressif et méprisant. Cette fois, mon sang ne fait qu'un tour. Je l'envoie paître comme pas possible, lui signifiant clairement qu'il n'est pas écrit "banque" sur mon front. J'ai perdu tout humour. A 3 coups d'pédales, tout s'explique enfin: je rencontre le goudron. Asphalte. Celui qui change les mentalités, les comportements, fout en l'air la simplicité. Celui qui rend les gens fous et transforme tout en une vaste course au pognon. Après tout ces jours de pistes sableuses, la bande grise facile, trop fluide, organise ma fuite vers la ville, à grands coups de développements. Tout au bout, j'aperçois le port de Pemba et peut-être un bateau pour un changement de décor.