Phil, l'escapade africaine

Mtwara - la vie de quartier à la tanzanienne

19/08/2016

Une piste un peu roots et sableuse me mène aux abords de ce grand fleuve-frontière presqu'à sec que je dois traverser en pirogue, vélo embarqué, pour me retrouver en Tanzanie. Petit soucis, je m'rend compte que je n'ai pas gardé assez d'argent. Ça commence fort... Oups... ça roule, ils me laissent passer gratos. J'ajuste mes quelques sacoches bousculées, un type souriant me tape la paume pour me crier un grand « Welcome in Tanzania ! », puis je m'élance vers une toute nouvelle ambiance de route, fier de poser mes gommes dans mon dixième pays africain. Il est temps de ranger mon portugais approximatif au placard et de joyeusement retrouver mon anglais. Ah ben non... Curieux ça, on dirait que ça n'fonctionne pas, l'anglais... « Il faut apprendre le Kiswahili » me dit le bonhomme de l'immigration. Hey, pas évident ton langage national, mec ! Dans plusieurs familles, j'ai beau essayer d'apprendre... impossible de retenir cette mixture de lettres trop abstraite, sans références linguistiques pour un bête européen d'mon acabit. J'avoue : mon cerveau est vraiment fatigué et je suis devenu un fainéant de première catégorie. Pas nouveau diront certains. Ah le swahili... Par exemple, rien que pour les salutations - là, j'ai l'impression qu'ils le font exprès - il existe plein d'possibilités différentes, et quand tu as l'sentiment que tu maîtrises un peu, ils te baragouinent un truc qui sort de nulle part, qui t'expédie droit vers le néant. Et voilà, tu affiches ton sourire le plus débile, ou tu restes la bouche ouverte, avalant une mouche à toute vitesse, histoire de bien t'étouffer en roulant. Dans un univers beaucoup plus végétal, palmiers et cocotiers, les villages se succèdent sans discontinuer, plus timides et réservés qu'au Mozambique. Ambiance tropicale. « Musungu ! Musunguuuuu ! » me crie-t-on d'partout... Je crois que j'ai trouvé le nouveau mot à la mode, rien que pour moi, celui qui remplacera le fameux « gougnia » insistant du nord Mozambique. Autre adaptation nécessaire : les filles... coiffées pour la plupart de leurs hijabs traditionnels, moins exubérantes et légères que dans d'autres pays traversés. « Il ne faut pas montrer l'amour » m'affirme mon ami John, lors d'une longue balade pour découvrir la ville de Mtwara. Puis, tout fier, il me tend la photo du visage magnifique de sa copine d'Oman. Evidemment, les discussions fusent toujours sur le sujet, mais après 20 jours dans cette petite ville du sud à côtoyer quelques demoiselles, je comprends vite que leurs charmes opèrent sous un autre angle, moins « gros sabots », moins charnel, mais plus en finesse, en subtilité, donnant aux regards des belles une toute autre dimension. A Mtwara, dans ce quartier d'anciennes demeures coloniales décrépies, je découvre un univers paisible où tout le monde s'amuse de ma présence, me saluant comme si je faisais partie du décor depuis toujours, curieux de ma personne. Dès le matin, chacun vaque à son petit commerce. Au coin, la maman déroule la natte au sol pour recevoir ses quelques clients habituels. On y boit le thé au gingembre en dévorant ses beignets ronds saveur cardamome qu'elle prépare devant toi. De l'autre côté de la piste, au niveau de l'arbre au réparateur-vélo, 2 autres types sympas pèlent les tubercules de manioc qu'ils bouillissent, grillent légèrement, puis servent avec sel et piment. Le soir, c'est le vendeur de poulpe qui prend le relais, coupant ses quelques tentacules sur son étal minuscule, à la lueur de la bougie. A 2 pas, devant la boutique aux sodas, c'est le rendez-vous des jeunes. Face à la vitrine artisanale, on commande le chipsi mayai, de roboratives frites fondues dans une omelette épaisse dans laquelle tu plonges le bout des doigts, après avoir étalé la sauce piment. Mais ma préférée, c'est Revina, ma voisine de palier, atteinte d'un typhus contracté par eau souillée. Je ne me lasse pas de sa petite voix qui, dès le matin, m'invite chez elle pour me régaler de patates douces et de fruits juteux venant de sa région, tout au nord du pays.