Phil, l'escapade africaine

Makoua - marathon vers l'équateur

12/02/2015

En plein parc d'Odzala, les craquements de la forêt environnante se font de plus en plus denses. Mon imagination trépigne, mélange de stress et d'émerveillement. Pendant que les singes sautent d'arbres en arbres, d'une seconde à l'autre, je m'attends à voir débouler un éléphant ou un gorille devant mon vélo. A 7km du village, je stoppe net pour déposer une crotte verdâtre en bord de route, et manger, à quelques mètres de là, ainsi débarrassé de tous ces insectes qui, par l'odeur alléchés... Vous connaissez la chanson ! Un bout de pain rassi fera l'affaire. A 40km de là, j'atteins la Cuvette, région centrale du Congo Brazza (et non un de mes jeu de mot bien foireux). Je quitte la forêt dense pour la savane arborée, verdoyante, ponctuée d'immenses termitières, et parfois, de quelques gracieux palmiers. Soudain, je ne contrôle plus mes roues. Réellement, elles chavirent vers la gauche, commandées par ce fameux estomac cycliste si capricieux. Vision subliminale rafraîchissante. Il n'a d'yeux que pour ce fruit de paradis, cet ananas qui pendouille lamentablement au toit de palme de cette vieille dame fort sympathique. Et sous la canicule de cette végétation rase, mes papilles se délectent de ce nectar onctueux et chaud, sucré à saturation, qui chamboulle chaque neurone mon petit cerveau d'primate. Je ne pense même plus à repartir tant, sur le bitume, le combat fait rage. J'avance au rythme de la tortue, rationne mon eau gorgée par gorgée, m'arrête à chaque zone d'ombre pour épargner ma pauvre tête, relâcher mes muscles. Mais le goudron trop chaud sur lequel je m'avachis me botte le cul pour mieux décamper. J'empoigne ce vieux t-shirt dégueu, le trempe dans un marigot bien frais, et le colle sur ma tignasse. Je ressemble maintenant à une espèce de maharadja de film indien bien kitch, visage écarlatte, bouffi par l'effort. Je tente de me raisonner: "Laisses tomber cette ville de Makoua; 97km par c'cagnard c'est trop; tu profiteras mieux demain..." Mais je finis par chantonner "Malembe" (doucement), pédalant sans réflexion aucune, profitant des derniers rayons du soleil. De ceux qui irradient les verts des herbes hautes, rendent les eaux limpides, et décuplent le moindre sourire du passant. De l'autre côté du fleuve, j'atteinds enfin Makoua, petite bourgade tranquille, chevauchant cette ligne imaginaire de l'équateur.