Phil, l'escapade africaine

Mayumba - le cratère à pu

11/05/2015

Le pied tout gonflé, tout rouge, je me retrouve dans une pièce décrépie de l'hôpital de Mayumba, tout en haut de la colline. "Je peux entailler?" me demande le doc de garde. Vite, il réapparaît, lame de bistouri en main. Là, il se dirige vers un coin d'la pièce où trône une poubelle qui déborde de pansements sanglants et de vieilles perfs toutes flétries. Il revient vers moi avec le couvercle tout souillé, le jette au sol, et tente de m'agripper le pied pour le poser dessus. J'esquive. Mécontent, il prend alors un sachet blanc qui traîne dans je ne sais quelle caisse, le dépose dessus en guise de solution, et entaille le furoncle dégénéré. "Retenez votre souffle..." Puis, devant les autres patients qui matent la scène bien pourrie, il appuie de tout son poids sur le corps de mon pied, transformé, un bref instant, en vieille capote trouée. Tel un vampire assoiffé, le "boucher" en extirpe mon sang bien rouge de cycliste. Après cette saignée de type moyenâgeuse, il insiste pour m'administrer un vaccin anti-tétanos, prétextant que l'africain est différent de l'européen. "Ça va vous soulager immédiatement" m'annonce-t-il en avançant vers moi avec la seringue. Zoom avant: "Le vaccin se fait en 3 injections..." Tout à coup, je réalise que j'ai été téléporté dans un remake hasardeux de "Reanimator"... Stop! Je ne pense plus qu'à quitter cette aventure parallèle. Et déjà, alors que cet "apprenti" réinjecte le vaccin salvateur dans son flacon, je dévale illico la colline avec ma démarche de zombie. Arrivé à la pharmacie, je constate que le type m'a prescrit un médoc pour la tête et non pour le pied. Un simple anti-fièvre... La pharmacienne Gisèle rectifie le tir alors que son mari Alain me raccompagne déjà, à 2 pas, une casserole de saka-saka et de plantains dans les mains. "Ah, voici mon patient!" me crie-t-elle amicalement le lendemain, assise à l'ombre devant sa maison. Malheureusement, mon furoncle s'est transformé en véritable cratère à pu, bientôt secondé par un autre, entre les orteils. Et je reste allongé là, sur ce matelas poisseux boosté aux germes, dans cette atmosphère entre parfum de sueur acre et effluves molles de chaussettes craspecs...