Phil, l'escapade africaine

Ngongo - crucifixion

13/07/2015

Environ 50 kilomètres de piste bien pourrie et me voici de retour à la barrière du Congo. Après les traditionnels enregistrements à la gendarmerie, police et immigration, je gis sur une chaise du petit bar, un Pulp orange posé au sol, un gros bout d'gâteau du Gabon dans la main. Je mâchouille mécaniquement, le cerveau plat. Je préfère stopper là pour aujourd'hui. Orjovsky, policier en civil, vient justement me faire un chouilla d'papote. Fatigué, j'en profite pour lui demander s'il connaît un coin calme où poser la toile pour la nuit. "Si tu veux, chez moi, à l'église, je te donne une chambre." Quelques points d'interrogation surgissent sur ma face: comment un flic peut-il être aussi curé? "J'ai été appelé par Dieu. Ma femme Liliane est pasteur. Elle m'a initié à l'Église du Réveil." L'Eglise de quoi? Oulala... Je réalise soudain l'histoire. Je lui répond, un sourcil pointé vers le ciel: "Écoutes, je ne sais pas si c'est trop mon truc ton Église du Réveil? Moi, j'aime vraiment beaucoup dormir tsé..." Mes craintes étaient-elles bien fondées?... Devant un succulent buffle fumé à l'endive préparé avec attention en famille, je leurs livre un discours mais totalement désintéressé vis à vis de la religion. Et maman Lili d'ajouter: "Jésus disait qu'il n'était pas le messie. Il refusait de l'être." Et Ruth, la fille d'ajouter: "Regardes l'étoile qui brille au dessus de ta tête." Il n'en faut pas plus... Orjovsky se précipite sur sa bible et commence à me lire le passage où Jésus nie tout en bloc. Quel bazar! J'ai vraiment le sentiment que je vais terminer en haut d'une croix. Bon, je m'étends une dernière fois, puis m'éclipse, prétextant que je dois changer la chaîne de mon vélo demain matin. Dans la chambre à côté, les 3 sbires s'invectivent jusqu'à plus soif. Le père lance une prière interminable pour me bénir et que j'obtienne le visa pour l'Angola. Il appuie ses sentences de gros coups au sol qui font vaciller toute la maison. La mère se met à scander des machins en lingala, parlant de tribalisme. La fille, elle aussi, en rajoute une couche... A 3 heures du mat, j'ai droit à une autre salve de laïus bien sentis, suivie d'un troisième épisode à 5h30. L'Église du Réveil porte son nom à merveille: impossible de fermer l'oeil. Cette nuit m'a épuisé... Vient ensuite la matinée. Par 3 fois, Lili et Orjovsky viennent me tirer du sommeil, histoire de m'attirer à leur sacro-sainte messe, dans l'église juste à côté. Liliane me prend la main avec son grand sourire. Alors que les 10 fidèles s'agitent bruyamment, hurlant leurs amen et alléluia au rythme du tamtam d'Orjovsky, elle m'installe juste au premier rang. Je suis là, posé sur ma chaise en plastoc, observant leur cinoche, écoutant leur interprétation des écrits, baillant à gorge déployée. Puis soudain, il y a ce mot intraduisible que personne ne comprend. Ba-si-lic? La vipère qui se transforme en basilic... J'en ai encore les yeux qui crollent. Allez, je m'casse. La mécanique m'appelle. Ma chaîne a besoin d'un bon coup d'brosse à dents.