Phil, l'escapade africaine

Aoumout - sobre comme un chameau

10/10/2015

En descendant vers les immenses étendues du sud, mon corps calque son rythme sur celui du décor. Peu à peu, ma nature intègre le désert. Je me lève tôt pour profiter de la fraîcheur matinale et des conditions sans vent. Je m'arrête à l'ombre en cas de coup d'chaleur, n'hésitant pas à faire la sieste. Je m'arrête tôt pour ne pas épuiser mes réserves et profiter cool de ma soirée... Je mange finalement peu, à l'écoute de mon rythme naturel, guidé par les pulsions de mon estomac. Tout au long de mon parcours, les africains m'ont appris la sobriété, à m'orienter vers le nécessaire, à bannir le superflu. En voyageant avec mes australiens, c'est un peu comme si je faisais le deuil de tous leurs enseignements. On démarre tard après les 3 cafés de Nigel, on consacre la journée à de multiples pauses coke et bouffe excessive, on pédale jusqu'au coucher du soleil... Et après toutes ces calories ingurgitées, leur rythme de pédalage est bien speed. Moi, c'est plié, je n'arrive à rien avaler... Bref, je subis sans rien dire, et passe du mode "chameau sobre" au mode "let's go, let's go". Plus du tout à l'écoute de mon corps, suivant les traces de leurs pneus sur cette putain d'gravel-road en forme de tôle ondulée, je ne profite guère du paysage. Mon appareil photo semble définitivement figé dans son étui. L'équilibre vascille, l'inspiration s'envole... Ce matin, à peine démarré que je retrouve toute l'équipe à l'ombre, déballant sur le sol toute leur abondance pour s'éclater l'estomac. Pas du tout faim, pas dans mon assiette depuis quelques jours, j'éprouve un certain dégoût de la nourriture... Mais en regardant mon compteur, je finis par sortir du fond de mes sacoches cette boîte de conserve de Feijoida qu'il me reste d'Angola. 7000 kilomètres, 10 mois de route, j'ai un p'tit quelque chose à fêter, même si j'aurais mieux fait de m'abstenir... Le soir, posés dans la cour venteuse du chef du village, mes intestins se désintègrent sur les chiottes traditionnelles. Sentiment de fièvre, impossible d'avaler quoique ce soit. Je m'isole dans ma petite tente, espérant que cette nuit tempêtueuse finira par m'apaiser...