Phil, l'escapade africaine

Vers Cashel - la piste suspendue

18/04/2016

Réveillé tout en lenteur par la musique de Roman, la journée s'annonce douce et sauvage. Dans l'oreille, un air d'Otis Redding, "Sittin' on the dock of the bay", suivi d'un bon "This is a man's world" de James Brown. Mmmmh... Peut-être un mouvement? Il est 10h30 quand, après la visite sympathique du chef de village voisin, la sinueuse "scenic road" nous avale à nouveau, histoire de nous digérer dans l'décor. Piste rouge suspendue chaotique, belvédère panoramique permanent, elle serpente à souhait au sommet de la vallée, d'ascensions en grimpettes, sur les contreforts de la montagne végétale. Elle léche la frontière du Mozambique, nous éloigne peu à peu de la chaîne de quartz, et s'engouffre dans le vert profond, jusqu'à s'y perdre. Personne. Juste un camion sur la journée. Juste quelques cases isolées où le maïs sèche au soleil sur le sol... On grimpe encore, on pousse, de passages pierreux qui t'essoufflent, en passages d'herbes rases où tu respires, contournant parfois, planquées dans les courbes, quelques flaques boueuses surprises. Un paradis VTT dans lequel Roman s'engouffre à toute blinde... pour y désintegrer sa chambre à air avant, dégoulinante de produit anti-crevaison artisanal. Impossible de coller une rustine là-dessus. Soudain, mon cascadeur m'annonce qu'il n'a plus que des chambres à air à grosses valves et que "la seule solution, c'est d'agrandir le trou de la jante en le creusant, méthode africaine..." Fouillant fougueusement dans une de ses sacoches, Roman en extirpe fièrement une lame de couteau suisse qui étincelle au soleil... Le temps s'immobilise un instant et moi, je n'ai plus qu'une seule envie: fuir loin, tout nu dans la montagne, les bras gigotant vers le ciel, pour ne jamais revenir. De fou rire en fou rire, la besogne primitive nous prend des plombes... Quelques tours de jante plus loin, après des dizaines de coups d'talons dans mes sachets qui pendouillent pleins d'avocats et de bananes, il me semble entendre un truc pas normal à l'arrière de ma cargaison. Alors que Roman trouve plus captivant d'escalader la falaise, je constate que les chocs épileptiques de la piste ont pulvérisé une visse de mon porte-paquet arrière, tête carrément arrachée. Chacun son tour... 16 kilomètres aux compteurs, les vélos en berne vautrés dans ce tournant panoramique, nos 2 toiles finissent par y prendre racines pour la nuit. Filtrés par la montagne, les derniers rayons du soleil illuminent en faisceaux élégants la verte vallée. Et au loin, vers les crêtes qui ondulent et se pavanent, une brume de velour s'immisce en volutes entre les silhouettes de grands arbres.