Phil, l'escapade africaine

Vila do Ibo - au rythme des marées

05/07/2016

"Il faut repartir à Pemba... C'est marée basse maintenant, il n'y a plus de bateau..." me dit le capitaine du débarcadère en me bousculant pour que je paie le "gardien" pour la nuit et les 3 bouchées d'riz d'hier. Nada. Pas question... A ce moment, mon ami camionneur d'hier réapparaît avec son foutu bahut. Toute sa marchandise doit embarquer vers l'île où il passera la fête de l'aït en famille. Je lui donne un coup d'main pour l'acheminement vers la barque, là, tout au bout de la longue étendue de sable. Argh... Je crois que mes bras faiblards de p'tite frappe blanche vont lâcher ! Chargé de refresco, de marchandises et de quelques passagers, le bateau à moteur sinue entre les bancs de sable de l'archipel. Installé à l'avant, les gerbes d'eau me rafraîchissent le visage. Puis on accoste au milieu de nulle part et le camionneur me demande de le suivre. Dégagée à marée basse, on débarque sur une extrémité sableuse de l'île où mes pieds pataugent dans les pannes d'eau chaude. Un vrai bonheur... Tout au bout de notre marche matinale, on grimpe vers le ponton et son esplanade vide, un peu déjetée. Je suis conquis par l'ambiance particulière de ce coin d'monde. Rien à voir avec Ilha de Moçambique, presque coquette et apprêtée, plus historique et musée. Dès mes premiers pas sur Ibo, je hume une atmosphère plus forte, plus brute, ouverte et aérienne, aux relans d'espaces sauvages, royaume d'une décrépitude authentique, du gravat et de l'herbe folle. Ici, la nature reprend ses droits. Aux alentours de la place centrale, paumée et abandonnée, quelques rues d'anciens bâtiments d'une autre époque subsistent. J'erre, traînant les pieds dans l'sable ou sur d'inutiles trottoirs cassés. Dans la cour d'une maison, je fais la connaissance d'une gentille dame au visage aux airs cubains. Elle enfourne son pain tout en cuisinant sur un brasero. Une autre dame rape la noix de coco fraîche pour le riz, pendant qu'un pêcheur sensible me tape un rien d'converse. Je le revois m'envoyer des baisers volants au moment de mon départ. Au détour d'une placette, je rencontre quelques jolies demoiselles aux visages enduits de mussiro, le masque de beauté traditionnel blanc du nord Mozambique. Elles sont toutes fières que je les prenne en photo. Quand le ciel se couvre un chouilla, je me dirige vers la forteresse de l'île et prolonge par une longue balade vers le phare. Hélas, à l'extrémité du sentier, je tombe sur une mangrove infranchissable, marée haute, qui m'empêche d'aller plus loin. Pas trop grave... Je me consolerai un verre de whisky à la main, en compagnie de quelques volontaires italiens et allemands, rythme de parole pas trop débile, les pieds dans le sable chaud, le regard qui file vers les étoiles.