Phil, l'escapade africaine

Pemba - le bateau fantôme

11/07/2016

« Mais pourquoi m'avez-vous demandé de revenir vendredi dans ce port si ce bateau pour les Comores n'existe pas ? » lui dis-je excédé, exaspéré... Bon, je dois bien me résoudre, ce type de la capitainerie m'a raconté du n'importe quoi. Moi qui m'suis pressé, modifié mon parcours en prévision, rebroussé vers le sud, à l'opposé de mes trajectoires mozambicaines... Ça n'a servi à rien... A Pemba, second passage, je stagne encore 10 jours, histoire de faire mon deuil de ce bateau fantôme. Puis, on n'sait jamais. Un peu triste, je me calle dans une certaine routine urbaine. Je vagabonde seul entre les pains-saucisses délicieux de la boulangerie, les plats trop épicés qui me donnent la chiasse de l'indien, et les vendeurs ambulants de crédit téléphone qui m'adorent. Allongé sur ce matelas qui m'défonce le dos à coup d'ressorts pointus, je regarde les tentures qui voltigent, comme envouté, hypnotisé. Ma petite piaule d'église modeste baigne toute entière dans les reflets oranges un peu doux. Pianotant sur mon téléphone, je retrouve le numéro d'une jolie rencontrée dans ce fameux bus qui s'était fait cribler de balles quelques semaines plus tôt. Je la rejoins à la plage, en compagnie surprise d'une copine, dans un resto pour blanc trop chicos pour moi... Là, elles me sortent le grand jeu : plat de langoustines grillées, vodka... les nanas n'hésitent pas, pensant peut-être que le petit blanc pigeon allait régler l'addition salée qu'elles finiront par se chiquer. Du coup, les 2 petites snobs m'annoncent que leurs copains jaloux, que je ne verrai jamais, vont débarquer : « Tu ferais mieux de changer de table pour éviter les problèmes. » Elles partent finalement sans me dire au revoir, sans même un regard. Voilà... Pemba ne fait pas exception, et s'inscrit dans cette atmosphère de « blanc portefeuille » que je côtoie depuis le Zim. Même si la douceur des mozambicains me réconforte par rapport aux regards parfois rudes des zimbabwéens, je souffre de ce manque de relations fortes, marquantes, et les histoires d'amour originales avec les gens dont je me nourrissais ont disparu. Fatigue, lassitude du voyage, les traits du visage de plus en plus durs, j'ai cette fâcheuse tendance à me recroqueviller. A côté de la « padaria » qui tente de m'arnaquer pour 3 francs 6 sous, un boutiquier regarde TV5 Monde sur son écran. Sénégalais en exil, Mamadou m'offre le jus et commence à préparer un thé bien corsé, filtré par sa théière goutte à goutte bouchée. « Elle souffre de la prostate » me dit-il avec son grand sourire de bienvenue. Ah ! l'Afrique de l'Ouest... Ici on ne demande plus, on offre...