Phil, l'escapade africaine

Nixuita Ancuabe - Mariam, insouciante

22/07/2016

Insouciante, affichant la même candeur que la mienne, elle s'élance en rigolant vers mon vélo que j'arrête à hauteur de sa maison. « Dinheiro ! » me lance-t-elle, hilare, spontanée, la main posée sur mes bouteilles en plastique. Bêtement, sa demande et son rire m'amusent. Puis il me prend l'idée d'inverser les rôles, curieux de voir où cette situation va nous m'ner. Prétextant que la route m'a épuisé, je lui demande pour dormir chez elle, un peu par gestes. Elle me jette déjà la natte tressée au sol et empoigne le mortier en bois qu'elle remplit à ras-bord de bouts de manioc séchés. A grand coup d'pilons bien lourd, elle les pulvérise en un nuage de poussière blanche, puissante, appuyant ses gestes de grognements quasi bestiaux. La scène est plutôt animale... En cadence, elle claque des mains en lâchant le pilon en l'air, cambrure agressive. Dans la cour minuscule surpeuplée d'enfants, un bébé fixé au bout du téton, Mariam s'exprime d'une voix rauque, rigolarde, à bout d'souffle. Ses dents d'la chance captent mon regard. Son rire ressemble étrangement à une sorte de toussotement, comme un ricanement saccadé. Ici, c'est elle la meneuse de la troupe, pas d'doutes... Pourtant, elle m'avoue n'avoir que 20 ans et déjà, comme c'est souvent le cas dans ces villages, 4 enfants à nourrir. Explosant d'énergie, elle me présente sa maman, toute douce, puis sa grand-mère qui vient juste d'investir la cour. Un bâton en guise de canne, la vieille me saisit d'une main molle et m'offre une danse en guise de bienvenue, croupe contre croupe, avant de s'assoir sagement dans un coin. Personne ne connaît son âge, même si certains supposent qu'elle doit planer aux alentours des 90 printemps. A la nuit tombée, la tente posée dans la cour, Mariam me fait des gestes par la petite fenêtre de ma toile. Elle passe la tête, me dit qu'elle a froid, et tend ses lèvres vers moi, dures, charnues, musclées, baignées d'effluves d'alcool local. Elle s'allonge ensuite sur la natte à côté de ma tente... et moi, impressionné, encore sous l'choc du baiser, j'écoute attentivement son souffle, nerveux, rapide, saccadé, 3 respirations fondues dans l'une des miennes.