Je ne sais plus qui m'avait dit: "Non, il n'y a plus de pont, mais c'est facile, tu verras, tu pousses le vélo sur 100 mètres seulement... La rivière est à sec..." Au coucher du soleil, mon regard se porte sur ce qui m'attend demain: un magnifique estuaire, longue et large étendue de sable, avec un filet d'eau juste au milieu. Ouais, 100 mètres, il me fait bien marrer le type...
Je raffole de ces ambiances de pistes où quand tu t'arrêtes dans le village, soudain, c'est l'attroupement, quasi l'émeute. Tout le village arrive en courant pour voir le blanc qui achète une main de bananes, 3 miches de pain, ou recharge ses bouteilles d'eau à la pompe. Parfois, les enfants s'agglutinent à mon guidon pour jouer avec mon klaxon-girafe. Les rires explosent et tout vire à l'hilarité totale...
Dans un coin d'ma tête se niche sans doute cet idéal de Robinson perdu sur une plage déserte, la canne à pêche au fond des sacoches. La côte mozambicaine regorge de pistes et de sentiers qui "pourraient" déboucher sur un de mes rêves sauvage et suave... Comme hier au bout de cette péninsule, quand mes 2 roues bifurquent sur cette plage flanquée d'immenses baobabs...
Après 10 jours d'arrêt pas brillants à Nacala en vue de trouver un bateau pour Madagascar ou les Comores, je reprends mon itinéraire en zigzags vers d'autres ports plus au nord. Hors goudron, j'avance vers quelques aventures, distillant les plaisirs vers les petites pistes côtières qui n'existent pas sur ma carte...
"Amigooooooo !" me crie de loin le flic du commissariat. Long soupir. Digne d'un matin d'anthologie, je lui susurre un "mmmmh..." sans majuscule, à peine audible. Je crois bien qu'il veut qu'je décampe. J'ai posé le campement ici hier soir, un peu par dépit...
Après 10 jours à m'pavaner du côté d'Ilha, je suis anéanti par une fatigue que je ne m'explique pas et qui m'empêche de pédaler. Après 16 kilomètres de goudron, la jolie piste étroite que j'emprunte en direction de Mossuril, un village de la côte, me rend un peu d'énergie...
Flanqué en pleine mer, je traverse ce pont de plus de 3 kilomètres si étroit qu'il semble inexistant... Et moi de flotter au milieu des eaux turquoises. Plus loin, le copain rasta me capte à moto jusqu'à ma piaule. Y traînent un vieux matelas, quelques capotes, et un antique cendar débordant de vieilles cales...
Au Mozambique, il est très rare de trouver une zone de campagne non habitée. Villages surpeuplés, petits enfants qui courent en tout sens... J'y trouve la vie parfois plus rude que dans d'autres pays traversés. Ici, dès l'adolescence, les filles deviennent maman, prises au piège de leur condition, sans mari, plusieurs bébés sur les bras...
Ce matin, je joue à mon jeu favori: le "dire bonjour". "Bom dia...", "Como está ?", "Amigooooooo !" Dans cette sorte de course cycliste que j'intègre dès les premiers coups d'pédales, tous me répondent sans exception. Au Mozambique, les sourires éclatent, naturels, plus enchanteurs qu'ailleurs... D'émotions, j'en ai parfois les larmes aux yeux...
Je me sens bien à Nampula, cette ville aux rues agitées, où défilent un mix d'attitudes et de cultures fort différentes... Entre islam, Afrique nonchalante, et culture indienne, mon regard s'égare, ne sachant plus trop où se poser...